FIAT LUX

Projet pour Sentiers Rouges à Esch sur Alzette L

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FIAT LUX

Cross Trainer Peinture gold, dynamo, leds

 

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Suite à une discussion au sujet des cross-trainers, ces appareils stationnaires d’exercices servant à s’entraîner au quotidien dans des salles de remise ne forme ou à domicile en simulant la marche ou la course à pieds, Jean-Christophe Massinon s’est posé la question du bien fondé de ces engins luxueux appropriés par les particuliers en mal de sport et de leur véritable nécessité et utilité pour le groupe. Assemblés de matériaux chimiques, ces mécanismes ont la possibilité effective de produire de l’énergie pendant que l’utilisateur s’entraîne, ce à quoi il ne sont pourtant pas habilités. Les cross-trainers ou appareils d’exercices à domiciles servent à se maintenir en forme physique de manière régulière afin de se construire un corps parfait, « être au top », d’augmenter sa masse musculaire, ainsi qu’à repousser les effets du temps et de la vieillesse, comparable à la chirurgie esthétique ou aux méthodes de prolongement siliconé et d’élongation des organes sexuels. Produit récent très contemporain, il apparaît dans le marché commercial dans les années 1990, se multiplie d’abord dans les salles de sport américaines pour ensuite littéralement venir inonder le monde.

 

Jean-Christophe Massinon a décidé de disposer une de ces machines à perfectionner le corps et les muscles, plus précisément un elliptical trainer, au sommet d’une colline, espace très naturel en soi aux antipodes de la salle de sport, palestre contemporaine artificielle, dominant la plaine du sud du Luxembourg et de la ville d’Esch-sur-Alzette. La machine est située à l’intérieur d’un petit temple à l’architecture de la Grèce antique composé de colonnes à chapiteaux ioniques. De ce fait, l’athlète contemporain intéressé par l’utilisation de l’appareil doit déjà produire un effort d’échauffement afin de gravir la colline qui le mènera prêt et décidé à viser l’excellence et le sommet. La machine divine semblant offerte par les dieux, destinée aux champions, élevée sur un socle à la façon d’un podium est peinte en couleur or, ce qui renforce son aspect de préciosité incomparable tout en faisant allusion aux meilleures récompenses sportives comme le trophée et la médaille d’or. Le sud du Grand-Duché prend ainsi des airs de Mont Olympe sur lequel dieux, demi-dieux et mortels se baladent, vivent harmonie avec la nature, s’entraînent pour les Jeux Olympiques à ressembler à Apollon et se reposent en contemplant l’horizon céleste découpé au loin par les limites lointaines de la Mer Egée.

 

Sur les traces de ces ancêtres, des champions en quête de performances, sur les traces de Prométhée qui ravit le feu aux dieux de la mythologie grecque pour l’offrir à la race humaine. Car l’elliptical trainer de Jean-Christophe Massinon sur lequel le sportif demi-dieu peut s’en donner à coeur joie est doté d’un système d’autoproduction d’énergie électrique provoqué par des roues en mouvement entraînant une dynamo et qui allume un écran. Production d’énergie qui pourrait aisément, en utilisant un grand nombre de machines complémentées du même système, fournir l’énergie nécessaire pour éclairer toute une salle de sport, son appartement, faire fonctionner le four et le micro-ondes, la machine à laver ou la télévision et ainsi éviter le gaspillage et économiser les flux d’énergie brûlés par des milliards de personnes au quotidien. Jean-Christophe Massinon offre ainsi la possibilité de devenir un demi-dieu vert favorable à l’environnement, au développement durable et à l’écologie pouvant contribuer à sauver la planète à la force de ses mollets. Ce qui n’est pas rien dans notre monde surpollué.

 

L’énergie gagnée par la machine de Jean-Christophe Massinon illumine une petite interface en fonction de la force et de l’énergie produite suivant l’effort physique, à l’emplacement où est habituellement disposé un écran au milieu du guidon servant à renseigner le sportif de ces performances et des records à dépasser. L’athlète aux pieds ailés vient ainsi activer, à l’instar du public de l’art contemporain face à une oeuvre interactive praticable comme la plupart des oeuvres de l’artiste (Art-Barbecue, Palais de Tokyo à Paris, Garden Party, Faculté des Arts et Sciences Humaines de Nancy, B-Rich Banque, Mudam Luxembourg, 2001), une interface consistant en un voyant lumineux sur lequel s’affiche un message mystérieux caché depuis la nuit des temps. Tel Hermès, messager des dieux, l’athlète vient révéler une vérité absolue, depuis lors contenue dans l’obscurité sauvage de la Nature, un message universel, comme un éclair divin dans la nuit noire illuminant les ténèbres.

 

« Fiat Lux » s’affiche sur l’écran, référence au livre de la Genèse dans lequel Dieu dit sa première parole « que la lumière soit ». C’est également un clin d’oeil à la marque automobile italienne Fiat, le sud du Luxembourg étant très peuplé par des communautés italiennes issues des vagues migratrices principalement au XXe siècle. Ainsi Jean-Christophe Massinon s’intéresse au contexte de l’emplacement de l’oeuvre d’art et la manière dont elle s’adresse aux communautés. Car après s’être renseigné, ce lieu s’avère être un endroit où les couples fraîchement mariés viennent se faire photographier. « Lux » renvoyant bien sûr au Luxembourg. Il y a beaucoup d’humour dans l’art de Jean-Christophe Massinon, mais il s’agit d’un humour acide et ironique concernant ici la situation critique du gaspillage énergétique. En procédant à la simplification des formes sculpturales afin d’atteindre un vocabulaire compréhensible par tous, d’aspect pop, et tout en proposant de solutions de recyclage énergétique, il dénonce ce gaspillage, les effets néfastes de l’homme sur la nature et les produits de sports luxueux qui ne sont pas absolument nécessaires. 

 

Didier Damiani

Historian of Art - Art Critic & Curator

 

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